Bonjour,
La médiation s’achève.
La dernière réunion plénière des associations de chauffeurs et des plateformes s’est tenue hier. Je remettrai aujourd’hui mes conclusions au Gouvernement qui m’avait mandaté il y a maintenant six semaines.
C’est donc la dernière fois que je m’adresse à vous sur ce blog.
Je voudrais d’abord souligner combien cette mission de médiation que j’ai eu à conduire à été exigeante et attachante à la fois.
Exigeante tant les tensions sont vives dans cette profession au sein de laquelle la confiance ne règne pas. D’où, d’ailleurs, le choix du Gouvernement de recourir à une médiation.
Attachante car j’ai rencontré des professionnels investis dans leur métier, ouverts au dialogue, déterminés à en défendre les acteurs et à en assurer l’avenir.
Je suis cependant conduit, a l’issue de la médiation, a constater que l’obtention d’un accord général reste inaccessible, du moins à présent.
Un accord impossible… aujourd’hui
Le climat de défiance est intense entre Uber et les associations de chauffeurs.
– Les associations expriment leur hostilité contre cette plateforme qu’elles jugent responsable de la situation dégradée des chauffeurs. Elles lui reprochent ses positions dominantes, méprisantes et indifférentes. Elles sont frustrées par son mode de décision unilatéral, notamment sur les tarifs et les déconnexions.
Les associations revendiquent que les chauffeurs retrouvent leur dignité au travers d’une hausse des tarifs, notamment minimum, et d’une baisse de la commission.
– Uber a le sentiment d’avoir créé par son investissement, ses politiques et ses décisions un métier durable, généré des milliers d’emplois, répondu aux besoins de mobilité de milliers de clients.
Uber considère que pour permettre la croissance de ses activités actuelles et futures elle doit rester maîtresse de ses choix stratégiques : le niveau des prix, l’équilibre économique à trouver pour satisfaire toutes les parties en présence sans mettre en danger son leadership lui semblent de sa seule responsabilité. Uber n’entend donc pas se laisser dicter ses décisions, même si elle se dit déterminée à traiter positivement les cas de chauffeurs en difficulté. À ses yeux ces derniers sont minoritaires.
De fait, les positions d’Uber et des associations de chauffeurs paraissent irréconciliables
Dialogue de sourds? Même pas, car jusqu’aujourd’hui aucun dialogue n’existait entre Uber et les organisations de chauffeurs.
Uber détermine depuis quelques années une grande part de l’activité de plusieurs milliers, voire dizaine de milliers de personnes sans qu’aucun dialogue collectif n’ait jamais été organisé entre ceux-ci et la plateforme qui régit leurs conditions de travail et de revenus.
Comment dans ces conditions s’étonner que la violence soit devenue le recours naturel des plus désespérés?
Est ce donc l’impasse ?
Pour ma part, je ne le crois pas.
Le fil du dialogue
Quelque chose a changé ces dernières semaines. Quelque chose qui peut permettre dans la durée une évolution des relations entre Uber et les chauffeurs dans le sens d’intérêts partagés, de dialogue et d’institution progressive d’un climat de confiance.
Pour la première fois les uns et les autres se sont parlés.
– Un diagnostic partagé à été établi : on sait à présent quelles sont les situations des chauffeurs, comment elles ont évolué au cours du temps : le métier de chauffeur VTC est exigeant, implique des durées de travail particulièrement longues pour un revenu modeste. Les contrastes en son sein sont considérables avec, notamment des situations particulièrement dégradées, notamment parmi les auto entrepreneurs et les salariés LOTI.
– La vision de l’avenir à court et moyen terme est également partagée. Le VTC est une activité en développement, les chauffeurs doivent pouvoir être des travailleurs indépendants vivant dignement de leur métier.
– Le fil du dialogue est noué. Uber et les autres plateformes s’engagent dans la voie du dialogue professionnel et de la résolution des problèmes posés.
> Dialogue professionnel et résolution des problèmes pour prévenir les déconnexions infondées et les placer dans le cadre de procédures garantissant les droits des chauffeurs incriminés
> Dialogue professionnel et résolution des problèmes sur le sujet essentiel de la résolution des situations, souvent dramatiques, des chauffeurs ne parvenant pas à équilibrer leur activité
> Dialogue professionnel et résolution des problèmes également sur l’ensemble des sujets concernant la profession
Ce ne sera pas facile…
Rien de tout cela ne s’opérera facilement tant les tensions sont vives entre Uber et les chauffeurs. D’où la proposition partagée par tous de placer ce dialogue sous l’assistance neutre d’un représentant du ministre des transports.
Mais la voie est tracée, elle est indispensable pour gérer les évolutions qui vont continuer à se produire, et ne pas l’emprunter va vite se révéler impossible.
Concrètement, saisir la proposition d’Uber pour avancer
Uber a proposé en fin de médiation de se pencher pour la résoudre sur la situation des chauffeurs en grande difficulté. De manière accélérée, avec tous les moyens requis et sous le contrôle des organisations de chauffeurs.
Compte tenu du climat de méfiance qui prévaut et qui ne peut être résolu en quelques jours, les associations de chauffeurs ont exprimé leur scepticisme devant une proposition qui ne suscite pas leur adhésion puisqu’elle ne répond pas à leur revendication de revalorisation tarifaire générale et de baisse générale de la commission.
Pourtant il y a là une opportunité historique pour tous les acteurs. Car cette proposition manifeste que quelque chose a changé.
Pour la première fois, toutes les plateformes soulignent leurs responsabilités à l’égard des chauffeurs qui y sont connectés. Elles sont attachées au statut d’indépendant des chauffeurs. Mais elles savent qu’elles ne peuvent rester indifférentes aux conditions d’équilibre économique qui leur sont faites. J’ai entendu leur détermination à être toujours plus attentive aux problèmes que rencontrent les chauffeurs.
Elles sont toutes, Uber incluse, déterminées à plus de respect et d’écoute et à moins d’indifférence et d’unilatéralisme.
Quant à Uber, la principale d’entre elle, celle qui focalise toute l’hostilité des chauffeurs, elle aussi se dit déterminée à conduire à bonne fin le dispositif de soutien élargi, inconditionnel et sans limite pré établie à laquelle elle s’est engagée à l’issue de la médiation.
Ce dispositif constitue un premier lieu de dialogue collectif.
Tout l’espoir que j’ai pour votre profession réside dans l’existence de ce lieu.
J’encourage vivement Uber, en dépit d’éventuel vents contraires, à faire vivre ce lieu en conduisant activement et sans délai cette opération et en cherchant constamment à y associer les organisations de chauffeurs reconnues représentatives.
C’est par la démonstration de la pertinence de la démarche, par l’effectivité concrète de ses résultats, par la richesse du dialogue qui l’accompagnera qu’Uber apportera la preuve à tous les chauffeurs qu’ils sont bien des partenaires et non pas des laissés pour compte d’une activité broyée par une concurrence destructrice entraînant une baisse continue des prix et des conditions de vie.